5. Hors des temps : les ordonnances des mousquetaires.
5.1. Des usages particuliers.
Créé en 1622, le corps des mousquetaires appartient à la Maison du roi.
Compagnie d’élite et de prestige, elle est composée de gentilshommes qui font
la démonstration de leur compétence et de leur fidélité avant de prendre un
commandement. Ces deux compagnies de soldats à la fois fantassins et cavaliers,
utilisent les signaux des deux armes exécutés au tambour ou à la trompette.
Leur statut particulier leur permet de bénéficier d’un répertoire céleustique
et musical spécial. La première
marche des mousquetaires est composée par Lully en 1658[1].
Philidor, ancien hautbois des mousquetaires, rapporte qu’en 1663 « A
la Creation du Regiment du Roy lon battoit la marche françoise, mais les
officiers dud. regiment ayant eté tirez des mousquetaires demanderent au Roy
que les tambours battent la marche des mousquetaires, ce qui leur fut accordé
puis ils ont battu la marche cydessus de Mr de Luly Et ensuite ont reprise la
marche des mousquetaires qui subsiste encore présentement »[2].
Le manuscrit de Philidor mentionne aussi que Lully compose à
Saint-Germain en Laye en 1670, une batterie pour les mousquetaires à la demande
du roi et que la batterie de la Descente des armes a été composée en 1679 par
Philidor l’ainé, par ordre du roi, pour la compagnie des mousquetaires. D’autres
musiciens composèrent des marches pour les mousquetaires (Pollet, J-J
Rousseau…). Ces soldats publient aussi leurs propres compositions.
5.2. La Marche
tactique du chevalier de Lirou (1767).
En 1767, le chevalier de Lirou, mousquetaire à la 2e
compagnie compose la Marche tactique (pour
hautbois, clarinettes, cors et bassons) qui est créée lors d’une revue dans la
plaine des Sablons la même année. On reconnaît dans la partition de tambour la
batterie de la Marche (1754) aussi appelée Aux champs.
Cette marche s’inscrit dans les préoccupations du temps qui voulaient
parfaitement ordonnancer les mouvements des troupes, ainsi son compositeur
précise que :
« Elle est composée sur la mesure du pas
cadencé et peut servir en même temps au pas emboîté, au pas de route et au pas
redoublé en accélérant plus ou moins le mouvement.
Elle contient trente mesures ce qui fait en
tout avec les deux reprises cent vingt pas ou soixante toises, mesure ordinaire
du carré des manœuvres d’un bataillon. »
L’objectif tactique de cette marche magnifique est depuis longtemps
oublié, injustement puisqu’il s’agit d’un étonnant exercice de virtuosité
céleustique qui est aussi d’une grande qualité musicale puisque c’est certainement
la marche militaire française la plus connue du XVIIIe siècle.
Vers la même époque, car elle est aussi dédiée à M. le comte de
Montboissier, est composée une Nouvel’ordonnance
de la 2e compagnie des mousquetaires du roi[3]
par Lemarchand et St Suire, tous deux hautbois à la compagnie. Il s’agit d’une
sorte d’exercice musical avec des paroles et les partitions pour hautbois, clarinettes,
cors et basson, aujourd’hui complètement oublié.
5.3. Principes pour les tambours des
mousquetaires du Sieur Caro, 1756[4].
Antoine Caro[5],
premier tambour à la première compagnie des mousquetaires du roi compose une
partition de l’ordonnance pour les mousquetaires en 1756, soit un an après l’entrée
en vigueur de la nouvelle ordonnance censée supprimer toutes les batteries
particulières. Par rapport à l’ordonnance de Bombelles, il manque la Fascine ou
Breloque, mais sont donnés Le Pas redoublé et la Diane. La générale est
identique à la partition de Philidor, confirmation de l’importance de cette
batterie.
Conclusion
Les
guerres de la Révolution et de l’Empire n’affecteront pas le répertoire des
tambours, si ce n’est qu’une baisse de la qualité des instrumentistes due aux
pertes amènera en 1811 le commandement à créer des écoles pour réapprendre à
battre correctement l’ordonnance, mais aucune partition de cette époque ne nous
est parvenue.
Il a fallu deux siècles (1534
– 1756) pour normaliser un répertoire de céleustique qui a d’abord fonctionné
suivant les usages et a continué à le faire malgré le règlement et aussi du
fait de son mode de transmission à l’imitation. Certaines de ces batteries sont
toujours exécutées de nos jours, quasiment inchangées depuis des siècles malgré
les aléas de la fortune des armes, les changements de régime politique et de
mode musicale, marquant les contours d’une identité sonore française, militaire
et civile, qui mériterait d’être mieux connue et même réhabilitée, et dont je
n’ai donné ici qu’un faible aperçu.
[1] Benoît, Marcelle, Dictionnaire de la musique en France aux
XVIIe et XVIIIe siècles, librairie Arthème Fayard,
1992, p. 417.
[2] Philidor, Marches et batteries…, p. 36.
[3] Archives du
Duc de Guise, bibliothèque du musée de l’armée.
[4] BnF Rés. Vmb. ms 26
[5] Caro, Antoine (Paris, 1714
– …), tambour aux mousquetaires de 1731 à 1763.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire