Céleustique : la céleustique étudie les signaux sonores
utilisés dans les armées pour transmettre les ordres. Cette définition figure
dans le Dictionnaire de l’armée de terre et recherches historiques sur l’art et
les usages militaires des anciens et modernes, général Bardin, Paris, Perrotin,
1851, tome 8, page 707.
Sur les navires de l’antiquité, le céleuste était chargé
de transmettre les commandements par le sifflet. Depuis la transmission des
ordres par la radio, les musiques d’ordonnance ont perdu leur rôle principal.
Elles sont encore utilisées dans le cérémonial militaire et parfois pour
entretenir les tradition certaines unités maintiennent l’usage des sonneries de
quartier.
La céleustique – le général Bardin le déplorait déjà au
milieu du XIXe siècle –, est un domaine en déshérence du patrimoine militaire.
Cette chronique a pour objectif d’en relancer l'étude et même la pratique. Elle
s’ouvre donc par la présentation du principal instrument d’ordonnance dans l’infanterie
: le clairon.
Le clairon traditionnel français en si bémol est un
instrument conçu par le facteur d’instruments Antoine Courtois en 1822 sur le
modèle du bugle anglais. Il s’agit d’un instrument naturel, il ne possède aucun
mécanisme et les sons qu’il produit ne sont que les harmoniques naturelles de
la fondamentale en si bémol. Sous l’Empire, les tirailleurs utilisaient déjà
des cornets pour transmettre les ordres. Le clairon en est une amélioration.
Il vise à remplacer le tambour comme principal
instrument d’ordonnance. Le rôle principal des instrumentistes d’ordonnance est de
transmettre les ordres. Dans l’infanterie, les
instrumentistes d’ordonnance sont les tambours. Dans la cavalerie, ce sont les trompettes.
Ces instrumentistes sont soldés comme les autres militaires,
alors que les musiciens d'harmonie sont soit soldés, soit des
gagistes. Le tambour est le principal
instrument d’ordonnance depuis François Ier. C’est Pierre Melchior, chef de musique de la Garde royale sous Louis-Philippe, qui
compose 26 sonneries pour ce nouvel instrument en s’inspirant des batteries de
tambour alors en usage. Elles sont officiellement adoptées et publiées par l’ordonnance
du 4 mars 1831. La plupart de ces sonneries sont toujours en vigueur dans l’armée
française.
Les ordonnances, règlements et instructions ultérieurs ne
feront que supprimer ou ajouter des sonneries. Sans qu’une nomenclature ait été
établie, le général Bardin déplorait la confusion qui régnait dans les dénominations
des musiques d’ordonnance, on distingue trois types de sonneries : les
sonneries de quartier, les sonneries de manœuvre et les sonneries de cérémonie.
Les sonneries qui figurent dans les textes officiels ne donnent qu’un aperçu
limité du répertoire réellement en usage. En effet, le règlement ne fait bien
souvent qu’entériner une pratique déjà en vigueur. Ainsi les sonneries régimentaires
n’ont-elles jamais fait l’objet d’une réglementation, sauf pour les chasseurs.
Pourtant elles étaient indispensables. Comment déterminer en
manœuvre ou en campagne à qui est destiné l’ordre s’il n’est pas distingué par
le refrain régimentaire ? La première publication des refrains régimentaires et
faite dans l’Almanach du drapeau en 1907. Mais pour des raisons de bienséance,
les paroles sur lesquelles sont sonnés ces refrains sont expurgées de leurs
paroles grivoises. Les musiciens d’ordonnance, les clairons en l’occurrence, apprennent
les sonneries à l'imitation car, bien souvent, ils ne lisent pas la musique.
Pour retenir ces mélodies, ils accolent des paroles à la musique.
Ces paroles muettes, car elles ne sont pas destinées à être
chantées sont bien souvent grivoises. Le même procédé mnémotechnique est utilisé
par les sonneurs de trompes de chasse.
La consultation des méthodes de clairon, ainsi que celles
des autres instruments d’ordonnance, permet de découvrir de nombreuses autres
sonneries ne figurant pas dans les règlements. On y trouve notamment : Rencontre
de troupe ou passage devant un poste, Cri de détresse, Couchez-vous, Levez-vous,
Formez les faisceaux, Rompez les faisceaux, Sac à terre, Sac au dos, Reconnaissance
de troupes infanterie, Reconnaissance de troupes cavalerie, Cri d’alarme au
feu, En tirailleurs, Le Rappel aux clairons, Changement de direction à droite,
Changement de direction à gauche, Ralliement par escouade, Ralliement par demi
section, Ralliement par section, Ralliement sur les centres, Ralliement sur les
bataillons, Ralliement sur la réserve, Sonnerie des grosses carabines, Déployer
en tirailleurs, Refrains des diverses compagnies par bataillon (10 compagnies),
L’école du premier degré, L’école du deuxième degré, Le cours du troisième degré,
Le cours de chant, Aux sous-officiers punis…
Cette énumération donne un aperçu de l’ampleur du répertoire.
On peut considérer que la période entre 1870 et 1914 constitue véritablement le
chant du cygne de la céleustique. La guerre de 14 avec les tranchées et la mise
en service du téléphone de campagne va sonner le glas des sonneries d’ordonnance.
Toutefois, la célèbre sonnerie Aux morts est composée après la guerre et
interprétée pour la première fois
le 14 juillet 1931 sous l'Arc de Triomphe, montrant que la céleustique est
indispensable au cérémonial.