samedi 21 mars 2020

Chansons et musiques de la 1re GM sur Gallica

Le chant militaire n’est pas souvent présenté. La sélection offerte par la BnF n’en est que plus intéressante. On peut y entendre de nombreux enregistrements d’époque, français et anglo-saxons. On pourra regretter que pour un conflit mondial, on ne retrouve pas plus de chants des alliés comme des adversaires. La chanson étant un moyen d’expression, elle engage un dialogue et en temps de guerre, elle dessine un véritable front musical.
La sélection de la BnF est une occasion d’entendre ces enregistrements anciens. On ne trouvera pas de véritables chansons du front, car le poilu ne pouvait pas enregistrer dans les tranchées. Ces chansons sont dans les journaux du front et les cahiers de chansons. Les enregistrements étaient réalisés par des professionnels, donc bien loin de la réalité du répertoire vivant des soldats.
La plupart de ces chansons ont disparu du répertoire. Seule quasiment subsiste Vive le pinard, toujours chanté : « Sur les chemins de France et de Navarre,/ Le soldat chante en portant son bazar,/ Une chanson authentique et bizarre,/ Dont le refrain est : “Vive le pinard !”./ Un ! Deux !/ Le pinard c’est de la vinasse,/ Ça réchauff’/ Là oùsque ça passe… » 
Son écoute est ICI.


Télescopage des répertoires, on trouve la Sidi-Brahim (1847) qui côtoye Le Régiment de Sambre et Meuse (1870), Le Clairon de Déroulède (1872) et Serrez vos rangs de Bruant (1882), ainsi que Madelon (1914). On trouve aussi des titres oubliés comme Le Rhin allemand dans plusieurs versions (Félicien David, Bentayoux, Fauré), Valmy, En avant à la baïonnette, …
Il est évidemment compliqué et même impossible de vouloir présenter l’ensemble du répertoire chanté pendant la guerre. D’autant plus qu’il variait d’un front à l’autre, suivant les périodes et les régiments. L’exploration est éclectique, pas toujours très rationnelle, mais de toute façon enrichissante. De plus, la sélection offre aussi des musiques. 

La visite de la sélection de la BnF commence ICI.


mardi 3 mars 2020

2020 : 175e anniversaire de l’adoption de l’orchestre d’Adolphe Sax par l’armée française

Les répertoires musicaux militaires sont ostracisés et méprisés par la culture française d’aujourd’hui. Cette attitude témoigne d’une profonde ignorance de l’apport des militaires à la musique. En témoigne un anniversaire important oublié des commémorations.

Le 19 août 1845, un décret ministériel fait entrer en service l’orchestre et les instruments de musique proposés par Adolphe Sax (Journal militaire officiel, 2e semestre 1845, p. 197).
Cet événement oublié a été pourtant considérable, puisqu’il est celui de l’entrée en service du premier orchestre de plein air fonctionnel. Jusque là, la musique en extérieur ne s’entendait pas. Les révolutionnaires de la Fête de la Fédération échouent à faire entendre de la musique. La puissance sonore des différents instruments était inégale. Compositeurs et musiciens suivaient la compétition que se livraient les facteurs d’instruments dans toute l’Europe, clés, pistons, travail du cuivre, diapason, métronome, … C’est le clarinettiste virtuose et facteur de génie belge, Adolphe Sax, qui est appelé par l’armée française pour développer ses projets. Il tenait de son père une échelle de perce des tubes de cuivre lui permettant de constituer des familles d’instruments utilisant les mêmes doigtés. La famille des saxophones est la plus célèbre.


C’est une véritable révolution. Les orchestres de plein air peuvent reproduire les sensibilités de l'orchestre en salle. Pour la France de 1845, puis 1854, c’est une véritable revanche culturelle sur Waterloo. 
Il ne s’agit évidemment pas de militarisation de la société puisqu’en 1900 l’armée ne disposait que de 400 orchestres pendant que les civils en alignaient près de 7000. De plus, le répertoire est essentiellement civil car il reprend très majoritairement les grands airs de l’Opéra jusqu’aux plus populaires mélodies des cafés-concerts.
L’armée française, ses instruments de musique et son modèle d’orchestre servent alors de modèle au monde entier.
Les grandes villes d’Europe vont toutes construire des kiosques à musique permettant de faire entendre aux populations les compositions des plus grands musiciens de l’Opéra, comme des airs de café-concert. Pour la première fois dans l’histoire, ces musiques sont accessibles gratuitement à tous sans distinction de classe, de profession, d’âge, …
Suivant les armées européennes, des orchestres vont pouvoir jouer les plus belles compositions sur tous les continents, exerçant un pouvoir de séduction injustement sous-estimé.


La saga de l’élaboration de cette formation est présentée dans L’Orchestre militaire, histoire d’un modèle (Beauchesne, 2019, 360 pages).