Ces travaux reposent sur les archives du
duc de Guise conservées à la bibliothèque du musée de l’armée et sur de
réguliers entretiens avec quelques rares spécialistes. Nous reprenons le terme
de céleustique employé par le général Bardin pour distinguer le répertoire des
musiciens d’ordonnance de celui des musiciens d’harmonie. En effet, la
confusion entre les deux répertoires est une des raisons de la méconnaissance
de l’histoire de la transmission des signaux d’ordre dans les armées.
Pour étudier les répertoires anciens du
tambour militaire français, nous diviserons la période concernée en 4 temps
correspondants aux quatre principales partitions qui sont parvenues jusqu’à
nous. 1. Le temps de la marche (partition de Thoinot Arbeau), 2. Le temps des
signaux (partition du Père Mersenne), 3. Le temps des marches (partitions de
Philidor), 4. Le temps du règlement (partition de Bombelles). Une 5e
partie hors des temps abordera les partitions des mousquetaires.
1. Le temps de la marche : la partition de
Jehan Tabourot[1] (1589).
1.1. Les origines du tambour
militaire sont suisses.
On connaît l’usage des percussions dans les anciennes armées asiatiques
et orientales (chinoises, coréennes, japonaises ou ottomanes). Mais les Suisses
sont les premiers militaires occidentaux à introduire l’usage du tambour
portatif dans l’infanterie pour cadencer le pas. Rompant avec les usages
militaires de leur temps et ceux de l’antiquité, ils empruntent les instruments
des montagnards, le tambourin et le galoubet. La supériorité des fantassins
suisses en fait des modèles pour toutes les armées européennes alors en pleine
mutation au sortir du moyen-âge.
Louis XI avait déjà appelé des Suisses pour former son armée en 1480.
Charles VIII avait quatre énormes tambours lors de son entrée dans Florence en
novembre 1494. Une décision[2]
de Louis XII en 1508 organisant les bandes de soldats indique que chacune avait
des tambourins et des fifres dont le nombre variait suivant la fantaisie du
capitaine qui les payait. C’est François Ier en réorganisant son
infanterie qui solde le tambour et le fifre en 1534[3].
Le roi veut pouvoir affronter les tercios espagnols, alors la meilleure
infanterie d’Europe. Pendant les guerres de religion, de nombreux régiments
sont levés puis dissous, seuls les “vieux” sont conservés (gardes françaises,
Picardie, Piémont, Navarre, Champagne et Normandie).
2. L’Orchésographie, fournit la première partition de tambour militaire.
Quand Henri IV monte sur le trône en 1589, l’infanterie française
compte cinq régiments, les quatre vieux et les gardes françaises.
Nous
disposons de très peu d’informations sur l’usage du tambour et du fifre dans
les régiments, pas plus que sur le répertoire des signaux employés. Comme les
signaux de trompette utilisés dans la cavalerie, il existait des signaux dans l’infanterie.
Ils sont à peine évoqués dans l’Orchésographie,
le premier ouvrage qui fournit des partitions de tambour militaire. Ces batteries
servent de « fignes &
aduertiffements aux foldats, pour defloger, marcher, fe retirer […] ».
L’Orchésographie ne donne pas les
noms des batteries d’ordonnance en usage, mais fournit des indications sur les
pas utilisés. Arbeau décrit les pas des soldats français en les accompagnant d’une
partition dans laquelle on reconnaît le thème de la marche françoise que l’on
retrouvera chez Mersenne et Philidor. Nous trouvons aussi une partition pour la
marche des Suisses, mais si elle n’a pas de correspondance avec celle de
Philidor, elle montre néanmoins l’importance qu’avaient ces régiments étrangers
au sein de l’armée royale.
La présentation du répertoire en service donnée par l’Orchésographie révèle que les batteries
sont utilisées pour la marche et pour cadencer le pas et qu’elles ont aussi un
rôle d’identification puisque les Suisses ont leur propre batterie.
[1] Sous le pseudonyme de Thoinot Arbeau, chanoine de Troyes, compositeur et écrivain (Dijon, 1520 – Langres,
1595).
[2] Belhomme, Histoire de l’infanterie, Lavauzelle,
Paris, t. 1, p. 141.
[3] L’institution des
légionnaires au royaume de France, leurs privilèges, gages et équipage, et le
devoir de leur charge. Du 24 juillet 1534. SHD GR1 X1.
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